Architecture météorologique

Travailler sur le vide, sur l’air et ses mouvements, sur les phénomènes de conduction, de transpiration, de convection comme autant de conditions météorologiques transitoires comme nouveaux paradigmes de l’architecture contemporaine. Passer de la composition thermique, de la pensée structurelle à la pensée climatique, de la pensée narrative à la pensée météorologique. Composition du renouvellement horaire de l’air, plan des taux d’humidité relative, convection habitable, design thermique, tracé des mouvements d’air, des pressions et des dépressions, stratification des températures, sont les nouveaux modes de composition architecturale desquels on révèle ensuite les potentialités programmatiques, plastiques et sensuelles. L’espace, vide et abstrait jusqu’à présent, se matérialise en une atmosphère électromagnétique, chimique, sensorielle, dans laquelle nous sommes immergés et que nous composons en retour en y habitant, par la respiration, la transpiration, le rayonnement thermique de notre corps, notre activité physique, hormonale, selon nos déplacement et notre habillement. Entre l’infiniment petit du biologique et l’infiniment grand du météorologique, l’architecture doit construire des échanges sensuels entre le corps et l’espace, les sens, la peau, la respiration et le climat, la température, les variations d’humidité et de lumière.

Philippe Rahm, Architecture météorologique (Archibooks, 2003) : pp. 8-9

L’origine même de l’architecture relève de distortions géographiques et temporelles : la mission première de l’architecture est de créer des poches climatiques printanières, de dérégler localement les climats naturels pour les rendre habitables : créer de l’ombre en plein soleil, des lieux sans pluie ni vent, plus chauds ou plus secs, plus lumineux ou plus sombres. N’importe où et n’importe quand, l’architecture transforme l’espace naturel irraisonné et brutal, en un climat idéal confortable, autour d’un 21C. Géographiquement, la technique du chauffage des maisons en hiver est un mode de déplacement spatial immobile. […] Avec la modernité, ce phénomène de distorsions géographiques et temporelles a pris une ampleur globale. Les villes sont aujourd’hui des environnements artificiels où est brouillée l’ancienne concordance de temps entre les cycles astronomiques jour-nuit avec les cycles physiologiques éveil-sommeil et les rythmes d’activités travail-repos. L’éclairage artificiel des villes et des maisons relève d’un détournement géographique.

Idem : pp. 56-57

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